VITA SECUNDA 10-11

CHAPITRE 6

 

DU CRUCIFIX QUI LUI PARLA ET DU CULTE QUE FRANÇOIS LUI RENDIT.

 

  1. 10. Peu de temps avant que la transformation de son coeur n’apparût dans ses habitudes de vie, il lui arriva de se promener un jour du côté de l’église Saint-Damien, une église presque en ruines et abandonnée de tous ; poussé par l’Esprit, il entra pour prier. Prosterné, suppliant devant le crucifix, il fut touché et visité de grâces extraordinaires ; il se sentit devenir tout autre qu’il n’était en entrant. Or, à sa stupéfaction, voilà soudain qu’il entend, par un miracle inouï, cette image qui remue les lèvres, ce crucifié qui parle, l’appelant par son nom : « François, lui disait-il, va et répare ma maison qui, tu le vois, tombe en ruines ! » Tremblant, stupéfait, François était comme égaré, incapable de répondre. Il se mit en devoir d’obéir et concentra toutes ses forces pour exécuter.

Mais il vaut mieux que nous gardions le silence sur le changement ineffable qui s’opéra en lui, puisque lui-même n’a pu le caractériser. C’est dès lors que fut ancrée dans son âme la compassion pour le Crucifié, et il est permis de supposer que, dès lors aussi, furent imprimés très profond dans son coeur les stigmates de la Passion avant de l’être dans sa chair.

  1. 11. Miracle étonnant et vraiment exceptionnel ! Comment ne pas rester stupéfait ? Qui a jamais entendu chose pareille ? Comment douter que François ait pu apparaître crucifié lorsqu’il revint parmi ses concitoyens, de retour à Assise après la stigmatisation, lui à qui le Christ par un miracle aussi nouveau et extraordinaire, avait parlé du haut de la croix, avant même sa conversion complète et définitive ! A la voix de son Bien-Aimé, son âme se fondit, et les plaies de son corps devaient par la suite manifester l’amour qui possédait son coeur.

C’est aussi pourquoi, à partir de ce moment, il lui fut impossible de retenir ses larmes, et il pleurait à haute voix sur la Passion du Christ, comme s’il en avait toujours sous les yeux le spectacle. Les rues retentissaient de ses gémissements ; au souvenir des plaies du Christ, il refusait absolument toute consolation. Il rencontra un jour un ami intime qui fut ému jusqu’aux larmes quand François lui eut exposé la cause de sa peine.

Mais il n’en oublia pour autant ni le crucifix lui-même, ni l’ordre qu’il en avait reçu. Il offrit à un prêtre l’argent nécessaire pour une lampe et son huile, afin que l’image sainte du crucifix pût recevoir sans interruption l’hommage qui lui était dû. Pour réaliser le reste, il se mit avec ardeur aux travaux de réfection de l’église. Les paroles qu’il avait entendues concernaient l’Eglise que le Christ s’est achetée de son sang, mais Dieu ne voulut pas qu’il atteignît d’un coup la perfection : il se réservait de le faire passer progressivement de la chair à l’esprit.

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