LÉGENDE DE PÉROUSE 71

ÉLOQUENCE ET PRIÈRE

  1. Il disait aussi : « Nombreux sont les frères qui, jour et nuit, mettent toute leur passion et tout leur soin à la poursuite de la science, abandonnant ainsi la prière et leur sainte vocation. Et quand ils ont prêché à quelques hommes ou au peuple, s’ils voient ou s’ils apprennent que certains ont été édifiés ou convertis à la pénitence par leurs discours, ils s’enflent et s’enorgueillissent du résultat et du travail d’autrui. Car ceux qu’ils croient avoir édifiés ou convertis à la pénitence par leurs discours, c’est Dieu qui les a édifiés ou convertis, par les prières des saints frères qui, eux, n’en savent rien ; Dieu le veut ainsi, de peur que ce ne soit pour eux un sujet d’orgueil. Voilà mes Chevaliers de la Table Ronde : les frères qui se cachent dans les lieux déserts et retirés pour se livrer avec plus de ferveur à la prière et à la méditation, pour pleurer leurs péchés et ceux d’autrui. Leur sainteté est connue de Dieu, mais le plus souvent ignorée des frères et des hommes. Et quand leurs âmes seront présentées par les Anges au Seigneur, le Seigneur leur révélera le résultat et la récompense de leurs peines, c’est-à-dire la foule des âmes sauvées par leurs prières. Et il leur dira : « Mes fils, voilà les âmes sauvées par vos prières ; puisque vous avez été fidèles dans les petites choses, je vous en confierai de grandes[1]. » Voici comment le bienheureux François expliquait le texte : la femme stérile a eu beaucoup d’enfants, mais celle qui avait beaucoup de fils s’est vue abandonnée[2]. La femme stérile, disait-il, c’est le bon religieux qui, par ses saintes actions et ses vertus, se sanctifie et édifie les autres. Il répétait souvent cette parole dans ses entretiens avec les frères[3] et surtout au chapitre de Sainte-Marie de la Portioncule, devant les Ministres et les autres frères. Il formait ainsi les Ministres et les prédicateurs à l’exercice de leurs responsabilités. Il leur disait que leur charge de Ministre ou leur office de prédicateur et les soucis qu’ils entraînent ne devaient pas leur faire abandonner la prière ; qu’ils devaient mendier et travailler manuellement comme les autres frères pour le bon exemple et pour le profit de leurs âmes et de celles d’autrui. Il ajoutait: « Les frères qui sont sujets seront très édifiés de voir leurs Ministres et leurs prédicateurs s’adonner volontiers à la prière, s’abaisser et s’humilier. » Fidèle disciple du Christ, il accomplit lui-même, tant qu’il fut en bonne santé, ce qu’il prêchait aux autres.

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[1] Mt 25 23.

[2] 1 R 2 5 ; Is 54 1.

[3] Littéralement : ses collations. C’est le nom traditionnel des lectures spirituelles en commun, des chapitres locaux, soit dans le monachisme antique (cf. les Collations de Cassien), soit chez les Frères mineurs, où ils ont laissé des traces écrites dans les Admonitions de saint François.

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