ANGELO CLARENO

Frère mineur de la fin du XIII° s – début XIV°, Angelo Clareno (francisation d’Angelo Chiarino) fut l’un des principaux leader du mouvement des Spirituels.

Ange Clareno enseignant

Image:ofm_puce.png Angelo Clareno
frère mineur,
né vers 1255, Fossombrone (Italie)
décédé en 15 juin 1337, Naples (Italie)

Sa Vie

Son nom d’origine est Pierre de Fossombrone, il est né en cette petite cité de la province de La Marche d’Ancône, (Picenum) qui a toujours conservé le souvenir de saint François et des exigences les plus strictes de la Règle franciscaine (cf. Fioretti, ch. 43). On ignore la date de sa naissance, calculée approximativement à partir de la date de son admission dans l’Ordre franciscain, vers 1270, selon l’historien Livier Oliger. On pense qu’il était d’une famille très modeste, comme il le dit dans sa correspondance. On sait peu de chose sur sa vie, connue surtout à partir de ses écrits, surtout de l’Historia septem tribulationum, pour la partie qui décrit les persécutions qu’il dut endurer de la part de l’Ordre ou de la part de l’Église, en raison de son attachement à l’observance la plus stricte de la pauvreté franciscaine, et à son soutien aux idées et prophéties attribuées à Pierre de Jean Olivi.

Il ne semble pas avoir effectué des études très poussées, car il se méfiait de la science, cependant il accéda au diaconat, comme François d’Assise qui était demeuré diacre, et interrogé à ce sujet par le Pape Jean XXII, il répondit qu’il n’avait pas reçu le sacerdoce, car il ne souhaitait pas entendre les confessions. Cependant, la suite de son histoire montre qu’il disposait d’une intelligence ouverte et d’une aptitude certaine à apprendre des langues. Il est d’ailleurs plus connu, en dehors de l’Ordre franciscain, comme traducteur d’écrits des Pères grecs que comme réformateur religieux.

Le combat des Spirituels

Quelques années après l’entrée d’Angelo dans l’Ordre franciscain, les querelles entre les Spirituels et la ‘Communauté’ étaient bien engagées. Les Spirituels du Midi de la France se référaient aux écrits du théologien Pierre de Jean Olivi et aux idées de Joachim de Flore, le visionnaire calabrais du XIIe siècle. L’Ordre était gouverné par saint Bonaventure qui avait dû combattre le joachimisme de son prédécesseur, Jean de Parme, et qui avait promulgué les Constitutions de Narbonne (1260). Bonaventure préconisait une « voie moyenne », entre les exagérations des Spirituels et les édulcorations de la Règle souhaitées par de nombreux frères. Cependant, le ministre général, conscient des attaques que subissait les Ordres Mendiants, s’appuyait fortement sur le Saint-Siège, pour le développement des études et pour l’acceptation des ministères et des charges proposés par le Pape. Après le Concile de Lyon (1274) où Bonaventure avait obtenu le maintien de l’Ordre franciscain dans son statut présent, les Spirituels d’Italie, surtout les Zelanti des Marches s’agitèrent à nouveau. Angelo adhérait à leurs idées et à leurs critiques, surtout lorsque parut la bulle Exiit qui seminat(1279), qui canonisait la conception bonaventurienne de la vie franciscaine. Angelo fut probablement emprisonné à cette date, ainsi que Pierre de Macerata et bx Thomas de Tolentino, dans les couvents de l’Ordre. Il écrira, plus tard : « J’ai souffert trente ans pour la confession et l’amour de la Règle, dans plus d’un cachot, à Ancône, Forano, Rome, Viterbe, Assise… » (Lettre 14). Il fut libéré de prison, ainsi que les autres spirituels, par le ministre général Raymond Geoffroy, qui était proche des Spirituels et de Charles II d’Anjou.

Angelo en Arménie 

Pour les éloigner de leurs ennemis, le Ministre général les envoya en mission en Arménie (1290). En chemin ils furent mal accueillis par les frères de Chypre, mais en Arménie ils furent sous la protection du roi Héthoum II qui appréciait les Frères mineurs et qui tint à le faire savoir au Chapitre général de Paris (1291). Rattachés à la Custodie de Terre-Sainte qui était réfugiée à Chypre, ils furent constamment surveillés et tourmentés par le Custode de Terre-Sainte, et finirent par abandonner l’Arménie et revinrent en Italie où les frères les suspectaient d’hérésie.

Les Claréniens 

Après la mort du pape Nicolas IV et, en 1294, l’élection de Pierre de Morrone, l’ermite des Abbruzzes, qui devint à contre-cœur le pape Célestin V, ils obtinrent de celui-ci la permission de quitter l’Ordre et de fonder une branche franciscaine vouée à l’érémitisme et à l’observance d’une stricte pauvreté : Les pauvres ermites du Pape Célestin ou ‘Claréniens’, placée sous la tutelle directe du Pape. C’est peut-être à cette occasion que Pierre de Fossombrone prit le nom d’Angelo sous lequel on le connaît. Malheureusement pour les ‘Claréniens’, Célestin V démissionna bientôt et fut remplacé par Boniface VIII, hostile aux Spirituels.

Ceux-ci se réfugièrent en Grèce, dans la province de Morée en 1299 où se trouvaient déjà plusieurs couvents franciscains. Là encore, malgré la faveur des autorités civiles et la vénération du peuple, les Spirituels furent poursuivis par les évêques qui recevaient des consignes de sévérité à leur égard. Néanmoins, Angelo se mit à l’étude de la langue grecque, mena une vie érémitique très austère, et fut, dit-il, favorisé de grandes grâces spirituelles : révélations, apparition du Christ, don de voyance dans les cœurs et autres faveurs mystiques. Pour nourrir sa vie spirituelle et la faire partager à d’autres, il entreprit la traduction en langue latine de la Règle de Saint Basile, d’ œuvres de saint Macaire, de saint Jean Chrysostome, et de la célèbre Echelle du Paradis de saint Jean Climaque.

Pendant ce temps, l’Ordre franciscain et le Pape Boniface VIII s’opposaient aux Spirituels d’Italie et d’Aquitaine et les Zelanti furent condamnés comme hérétiques. Le patriarche latin de Grèce fit lire la bulle d’excommunication et pria les Spirituels de quitter la Grèce et de retourner s’expliquer auprès du Pape.

Procès, Inquisition, Prisons. 

Angelo Clareno revint en Italie et fut soumis à toutes sortes de persécutions, jusqu’à ce que le Ministre général, Gonzalve d’Espagne, excédé par les critiques et la rebellion de certains Spirituels, les livre à l’Inquisition. Plusieurs, dont Angelo, furent emprisonnés, torturés et durent s’expliquer dans un procès à rebondissements multiples. Un nouveau Pape, Bx Benoît XI (1303-1304), homme modéré et pieux, restreignit les pouvoirs de l’Inquisition. Son successeur, Clément V ou Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux dévoué au roi de France installa la Papauté en Avignon, où Angelo Clareno se rendit, et se mit sous la protection des cardinaux Colonna, pour défendre la cause des Spirituels, dont il était devenu la principal leader. C’est là qu’il écrivit ses œuvres d’apologie de sa vie et de son combat, profitant d’une relative bienveillance, à son égard, du pape Clément V et du nouveau ministre général Alexandre d’Alexandrie.

Mais tandis qu’Angelo entendait bien demeurer dans le giron de l’Église, les extrémistes des Spirituels se révoltèrent et s’acheminèrent vers le schisme. Le Pape Jean XXII (1316-1334) ouvrit de nouveaux procès contre eux où fut impliqué Angelo. La conclusion en fut la suppression des Pauvres ermites du pape Célestin et l’incarcération d’Angelo qui entreprit aussitôt de s’expliquer dans divers écrits (Epistola excusatoria). Finalement Jean XXII reconnut qu’Angelo était innocent du crime d’hérésie et il fut libéré, tandis que les Spirituels déviants étaient définitivement condamnés, par les bulles Sancta Romana (1317) et Gloriosam Ecclesiam (1318).

Les dernières années 

Angelo se retira à Subiaco près du Sacro Speco de saint Benoît où il écrivit sa célèbre Exposition sur la Règle des Frères mineurs, précieux document pour connaître l’interprétation stricte de la Règle franciscaine et quelques détails sur la vie de François, rapportés par les disciples du fr. Léon ou du fr. Conrad d’Offida. Il y rédigea aussi son Histoire des sept tribulations et une correspondance assez abondante et précieuse pour la connaissance des relations entre les protagonistes du mouvement spirituel franciscain. Les dernières années du pontificat de Jean XXII connurent une crise majeure entre le Pape et les Frères mineurs, avec la déposition du ministre général Michel de Césène (1328) et la reprise des persécutions contre tous les frères partisans de la pauvreté rigoureuse. Angelo, craignant d’être à nouveau poursuivi, se réfugia dans le Royaume de Naples, en Basilicate où il mourut, très âgé, le 15 juin 1337, vénéré par le peuple et laissant une réputation de sainteté, tandis que son tombeau dans la petite église de Santa Maria de Aspro devenait un lieu de pèlerinage.Ses principales œuvres

Malgré une vie assez mouvementée, Angelo laisse une œuvre relativement abondante, et précieuse pour les historiens. Citons, sans souci de chronologie : Apologie sur sa vie ; Breviloquium sur la Doctrine du Salut ; Exposition sur la Règle des Frères Mineurs ; L’Histoire des sept tribulations de l’Ordre ;  La Correspondance, mais certaines lettres sont de véritables traités, comme Personne ne peut servir deux maîtres… ou Epître excusatoire adressée au Pape au sujet des calomnies des Frères ». Enfin les traductions de quelques œuvres des Pères Grecs.

Bibliographie 

  • Très abondante depuis 1980, car l’étude des Spirituels et des disciples de Pierre de Jean Olivi est à la mode. Pour s’en faire une idée, voir le site Franciscan Authors : http://users.bart.nl/~roestb/franciscan/ (à la rubrique Angelus Clarenus).

Citons cependant, comme plus abordable : Lydia Von Auw, Ange Clareno et les Spirituels italiens, Roma 1979.

  • Angelo Clareno Francescano , Atti del XXXIV Convegno internazionale, Assisi 5-7 octobre 2006 , Centro Italiano di Studi sull’alto Medioevo, Spoleto, 2007.
  • Felice Accrocca, ‘Angelo da Clareno e I Padri di Quaracchi. Un’inedita trascrizione dell’Epistolario’, AFH 106:1-2 (2013), 195-202

Les commentaires sont fermés